Le monde animal fascine. Il peut aussi rebuter voir dégoûter les humains si propres que nous sommes. Attraction-répulsion, ce sont nos peurs archaïques qui resurgissent de veilles mémoires, de vieux réflexes transmis par nos parents, de toutes nos vies accumulées. Il y a la petitesse à peine visible de l’animal intrusif, celle des insectes rampants et volants, ou encore la puissance envahissante, invasive et dangereuse de la masse, du nombre et du troupeau, puis également la force prédatrice et surpuissante d’un fauve qui nous menacerait. Nous tentons ainsi de domestiquer nos frayeurs en domestiquant l’animal, notre semblable-ami-ennemi. Il est la personnification même de l’altérité, mais aussi de l’étrangeté. L’autre étranger dont nous sommes séparés par une gangue de fascination d’un côté et d’aversion de l’autre.

Mes rêves et mes jeux d’enfants, quand je me faisais des histoires autour d’une roche plate émergeant et affleurant de la pelouse, dans notre jardin de Versailles, rue Jacques Lemercier. Mes petits soldats en plastiques, de la marque Airfix, refaisaient le monde : ils se déplaçaient, tombaient souvent de la dalle de pierre sur laquelle ils étaient posés, couraient au milieu des herbes, s’enfonçaient dans la terre, défiaient les tiges acérées de l’acacia comme si c’était des lances d’acier. Ils passaient sous les branches tortueuses du grand chêne — qui n’étaient que des brindilles, sautaient les obstacles — dix centimètres, se tiraient dessus. Les petits cailloux devenaient des rochers, les plus gros des montagnes ou des gouffres. Les arches du Colorado, de Cowboys en Indiens.

Chemins bleus, chemins blancs

Mes errances photographiques dans les chemins d’ici ou d’ailleurs. Au choix, ils sont des percées vers notre part d’ombre ou nos particules de lumière, une invitation à avancer coute que coute, et à ne pas se retourner. Tentation œdipienne. Chemin de nuit ou de jour.